BUJUMBURA / GENÈVE (16 décembre 2014) – « La promesse de vérité et justice reste toujours à réaliser quatorze ans après l’Accord d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation », a souligné aujourd’hui l’expert en justice transitionnelle des Nations Unies, Pablo de Greiff, à la fin de sa première visite officielle* dans le pays.
« Le Burundi a déjà atteint un certain degré de stabilité qui peut servir de fondement pour le futur développement du pays, mais ces progrès peuvent facilement être mis en danger », a dit le Rapporteur Spécial sur la promotion de la vérité, la justice, la réparation et les garanties de non répétition, en vue des prochaines élections. « Le développement n’est pas seulement une question de croissance économique ; en effet la justice et les droits de l’homme en constituent le noyau ».
Pour que le développement soit durable, M. de Greiff a souligné la nécessité de traiter les revendications en matière de vérité, justice, réparation et non-répétition, tout en reconnaissant les progrès déjà réalisés par le pays. Depuis son indépendance en 1962, le Burundi a connu des violences graves et des atteintes massives aux droits de l’homme, souvent à caractère ethnique.
« Il y a un grand risque que la Commission Vérité et Réconciliation se concentre sur le pardon et qu’elle se détourne ainsi de sa fonction principale qu’est la recherche de la vérité. Les objectifs de la Commission nouvellement créée ne devraient pas seulement porter sur le pardon », a-t-il souligné. « La réconciliation au niveau social exige avant tout l’établissement des faits en vue de dévoiler la vérité ».
« Pour que la Commission soit crédible, il sera impératif d’impliquer la société civile d’une façon effective et d’assurer l’ouverture et l’accessibilité de la Commission aux victimes, indépendamment de leur identité et affiliation politique », a dit l’expert des Nations Unies.
M. de Greiff a toutefois ajouté que la justice transitionnelle ne peut pas être réduite seulement à une Commission Vérité et Réconciliation : « Une attention immédiate devrait être portée aux programmes d’assistance aux victimes, ciblant les veuves âgées ou handicapées, les orphelins, les déplacés internes et d’autres groupes marginalisés. Leurs besoins ne peuvent pas attendre que la Commission finisse son travail ». Cette assistance, ainsi que les futurs programmes de réparation, devrait inclure un soutien pour l’éducation.
« Le Gouvernement ne devrait pas reporter à plus tard la question sur comment procéder en matière d’enquêtes judiciaires sur les crimes massifs du passé. Les immunités provisoires ont constitué dans la pratique un obstacle à la justice pénale », a souligné le Rapporteur Spécial. « La collecte des preuves et documents pertinents devrait se faire immédiatement, et une attention particulière devrait être prêtée sur les violences sexuelles et sexospécifiques ».
Concernant les garanties de non-répétition, l’expert indépendant a salué les progrès en matière de démobilisation des anciens combattants et l’intégration d’un grand nombre d’entre eux dans l’armée et les forces de police. « Davantage d’initiatives sont nécessaires pour poursuivre la professionnalisation des forces de défense et de sécurité ainsi que le service national de renseignement, pour renforcer l’autonomie et leur contrôle par l’autorité civile et pour écarter de leurs fonctions ceux qui ont des antécédents de violations des droits humains », a-t-il indiqué.
Tout en rappelant les résultats récents des ‘Etats Généraux’, le Rapporteur Spécial a souligné la nécessité de reprendre le travail sur les amendements constitutionnels et législatifs afin de réduire la possibilité d’ingérence du pouvoir exécutif dans l’administration de la justice, et de renforcer ainsi l’indépendance et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
« L’existence de récits parallèles sur l’histoire récente du Burundi, en particulier sur les nombreuses périodes de violence, reste un grand obstacle pour la prévention de nouvelles violations », a-t-il averti. « L’enseignement de l’histoire fondé sur des faits établis doit être une priorité ».
Lors de sa visite, le Rapporteur Spécial a rencontré des hauts représentants du Gouvernement, des pouvoirs législatifs et judicaires, des forces de sécurité, ainsi qu’un large éventail d’acteurs de la société civile, et des représentants d’agences onusiennes et de la communauté diplomatiques. Il a voyagé dans le pays pour rencontrer et discuter avec les victimes de violences massives commises dans le passé liés aux événements ayant eu lieu à Bugendana, Gatumba, Itaba, Kibimba, Kimina et Nyambeho.
Le Rapporteur Spécial préparera un rapport final avec ses observations et recommandations qu’il présentera au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en septembre 2015.
(*) Pour consulter la version complète du communiqué de fin de mission au lien suivant: http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=15426&LangID=F